• *** BOURGOGNE

  • Des vignes à perte de vue, des châteaux, des abbayes... La Bourgogne, qui couvre 6% du territoire national, est autant une terre de gastronomes qu'un livre d'histoire à ciel ouvert. En dix ans, la région a gagné 32 000 nouveaux résidents, en grande partie séduits par la qualité de vie. 

    Moulin à Donzy

    A Donzy (Nièvre), le moulin de Madame Pradalier est le seul encore en activité. On y produit de l’huile de noix et de noisettes depuis 150 ans.

    Bouquiniste à Cuisery

    BOUQUINISTE

    Cette échoppe de bouquiniste compte parmi celles qui ont pris possession de Cuisery (Saône-et-Loire), «village du livre».

    Collines de l'Auxois

    COLLINE DE L'AUXOIS

    Derrière ces collines de l’Auxois (Côte-d’Or), s’immisce l’abbaye de Flavigny, où sont toujours fabriqués les bonbons à l’anis qui s’exportent dans de nombreux pays.

    Vue sur Bouilland

    Soudain, plus personne. Les vignes et les touristes croisés pendant des kilomètres ont laissé place aux pâturages et aux vergers, surtout des pommiers. Juste après Nuits-Saint-Georges, il faut s’enfoncer dans les Hautes-Côtes par la D25, bordée de frênes, avant de parvenir à Bouilland. Le village puise son nom dans le Rhoin, la bouillonnante rivière peuplée de truites qui le traverse. Depuis les années 1930, il est aussi qualifié de «petite suisse bourguignonne». Ce surnom flatteur, il le doit à ses paysages escarpés.

    La grotte d'Azé

    GROTTE

    Nous sommes quatre-vingt-dix mètres sous terre. Stalactites et stalagmites se détachent de la roche argileuse. Et laissent apparaître des griffades d’ours vieilles de 360 000 ans. Dans la grotte d’Azé, des animaux préhistoriques ont laissé leurs empreintes. Au sol, des ossements fossilisés d’hyènes et de cerfs, des squelettes d’ours et un des rares crânes de lion des cavernes retrouvés en France. Soixante-dix bénévoles de la région aident aux fouilles. «Nous avons rempli 7 000 wagonnets pour évacuer les sédiments qui obstruaient les galeries», précise Lionel Barriquand, vice-président de l’association culturelle du site.

    Mais toujours pas suffisamment pour suivre le cours de la rivière souterraine, où frétillent des crevettes blanches. Les 1 095 habitants snobent le site, pourtant classé depuis 1933, ce qui désole le maire, Patrick Monin, qui regrette aussi de ne pas voir les 25 000 visiteurs annuels de la grotte dans les rues d’Azé. Deux sentiers de randonnée ont été créés en 2011. Ils conduiront peut-être les habitants à la grotte, et les touristes au village.

    Le renouveau de Cuisery

    CUISERY

    La bourgade mourait dans son méandre de la Seille. Il y a quinze ans, les commerces baissaient leur rideau. Les écoles désemplissaient. La poste menaçait de fermer. Afin de sauver son village, le notaire Paul Perrault, également conseiller général, décida de créer le centre Eden, consacré à la biodiversité. Il voyait le paradis en grand, avec un musée sur la faune et la flore bourguignonne et un planétarium. Problème : pour y aller, il fallait passer par la grande rue, réduite à un alignement de boutiques vides et délabrées.

    L’homme, amoureux de littérature, subventionna la rénovation des échoppes, à condition que s’y installent des métiers du livre. «Le Livre à venir» emménagea dans la supérette, «Regards», dans le magasin de meubles, et l’espace Gutenberg, à la place de l’épicerie. Aujourd’hui, Cuisery compte dix-sept libraires spécialisés. A chacun son domaine. La spéléologie pour Jacques Bouvard («La Découverte»), la science-fiction pour l’ex-postier isérois Pierre Charlin («Populire»), la spiritualité («L’Athanor») pour Sébastien Berteloot, ex-professeur d’arts martiaux à Valenciennes.

    La truffe de Noyers

    Qui a dit que le «Tuber melanosporum» ne poussait que dans le Périgord et la Drôme ? La truffe s’épanouit aussi en Bourgogne, sur les rives du Serein. Au pied des remparts de Noyers (prononcez «noyère»), en des lieux tenus secrets. Seul indice laissé aux non-initiés par les gens du cru : se rendre près des noyers. Le conseil est large car la commune en est couverte. Du coup, pour déguster l’aromatique champignon, mieux vaut faire un détour par le marché qui se tient le premier et le dernier dimanche de novembre. Ces matins-là, cinquante kilos sont vendus à 400 euros le kilo.

    Pour contenir la foule, la municipalité installe des cordes entre les gourmets et les trufficulteurs, qui auront au préalable fait contrôler leur marchandise par six commissaires. Il en va de la réputation de cette illustre ville qui fut le fief de la puissante famille des Noyers au XIIe siècle, avant de tomber dans l’escarcelle des ducs de Bourgogne, en 1419. De ce passé glorieux demeurent des maisons à pans de bois, des toitures de lave et des poutres ornées de personnages sculptés. Bref, Noyers-sur-Serein a su rester dans son jus. Un charme authentique qui lui vaut régulièrement d’être sous le feu des projecteurs. Depuis «La Grande Vadrouille» en 1966, une douzaine de films ont été tournés dans ces venelles étroites.

    Enchères au bétail

    Ce n’est pas le chant du coq qui réveille les 500 Brionnais mais le piétinement des bœufs. Chaque mercredi, à quatre heures du matin, une centaine de camions se garent le long des quais de déchargement. Et un millier de bovins pénètrent en meuglant dans le foirail. Inauguré en 1488, ce marché aux bestiaux est digne de la Bourse de New York. Ordinateurs, écrans géants...

    Modernisée depuis 2009, cette foire est devenue la deuxième plus grande de France de sa catégorie. Dans l’amphithéâtre, négociants, éleveurs et acheteurs fixent le «ring», une balance pouvant peser jusqu’à vingt bêtes à la fois et sur laquelle défilent veaux, taurillons, génisses ou culards. Poids et prix s’affichent sur le cadran. Un écran que pilote Antoine Gronfier, 28 ans, du haut de son petit bureau vitré. De son débit de mitraillette, il énonce le montant des enchères que les acheteurs font grimper grâce au bouton caché sous leur pupitre. Les animaux reprendront la route quand leur nouveau propriétaire aura dégusté un pot-au-feu ou une tête de veau dans l’un des trois bistrots.

    Pieux instants à Vézelay

    VEZELAY

    Vieux puits en pierre, bâtisses ocre mangées par le lierre, échoppes... Vézelay, c’est d’abord un décor de carte postale. Plus d’un million de touristes se pressent chaque année dans ses ruelles escarpées. Dans les pas des grands écrivains. Georges Bataille, René Char, mais aussi Paul Eluard sont montés sur la «colline inspirée». C’est aussi là, à la place du musée Zervos qui abrite des œuvres de Dufy, Giacometti, Miró et Picasso, que Romain Rolland avait choisi d’habiter.

    Les pèlerins, en route vers Compostelle, eux, se rendent directement à la basilique romane Sainte-Marie-Madeleine pour se recueillir dans son imposante nef de soixante-deux mètres, plus longue que Notre-Dame de Paris. Trois fois par jour, la communauté religieuse entame des chants liturgiques qui emplissent les hautes voûtes. Quand elle ne prie pas, sœur Clémence s’occupe de l’entretien. D’autres sœurs tiennent le magasin d’artisanat monastique, des frères dirigent les maisons Béthanie et Saint-Bernard, où des voyageurs peuvent passer la nuit. En paix évidemment.

    Le trésor de Puligny-Montrachet

    Alexandre Dumas disait qu’ils devaient être bus «à genoux et tête découverte». Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, les considérait comme les meilleurs au monde. Depuis le XIXe siècle, les crus de Montrachet ont fait le tour du monde. Et dire qu’ils prennent naissance sur ce Mont Chauve, trait d’union entre Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet. Une «petite montagne bien sèche et bien laide», disait Stendhal, mais qui offre un vin si grand, si charnu qu’il est depuis toujours considéré comme l’un des meilleurs blancs.

    Ce précieux nectar aux arômes de miel, de fruits secs ou de pain grillé, produit par vingt-six vignerons et dix-huit propriétaires, se vend jusqu’à 300 euros la bouteille. Pourtant, dans l’ombre des caves, une petite révolution se prépare. Depuis une dizaine d’années, quelques propriétaires se lancent dans le bio, comme Caroline Lestimé. Celle-ci traite ses vignes avec des tisanes et du compost de bouse de vache et a définitivement banni les engrais et les pesticides. Certains crient à l’hérésie.

    Un terroir jalousé

    Un petit calvaire érigé au bord de la route. Rien d’autre ne distingue le domaine de la Romanée-Conti. C’est pourtant là, sur 1,8 hectare, que naît le vin rouge le plus cher au monde. Très précisément entre Nuits-Saint-Georges et le Clos de Vougeot, sur un sol argileux planté de pinot noir par les moines de l’abbaye de Cîteaux et de Saint-Vivant de Vergy, au XVe siècle. Ce discret terroir produit annuellement 5 000 bouteilles. L’une d’entre elles a battu un record en février dernier à Hong Kong, vendue aux enchères pour 17 000 euros.

    Les plus grands portefeuilles de la planète tentent d’acquérir une parcelle du vignoble Romanée, Romanée-Saint-Vivant, Richebourg, La Tâche et La Grande Rue, où s’épanouissent les grands crus. Les 420 habitants ne cèdent pas facilement. Sauf en 2006, année où François Pinault, le patron de Pinault-Printemps-Redoute, a pu mettre la main sur le domaine René Engel. Depuis, les vignerons préfèrent louer leur terrain, comme Maurice Chevallier, maire de la commune, l’a fait avec un jeune viticulteur des Hautes-Côtes.

    Les douceurs de Flavigny

    Dès qu’ils sentent des effluves anisées, les nez avertis de ce bourg monastique de l’Auxois savent d’où vient le vent. Car c’est dans l’abbaye Saint-Pierre du village, fondée par les bénédictins au VIIIe siècle, que la recette des fameux bonbons à l’anis a été créée. Les petites douceurs y sont toujours fabriquées. Ces perles blanches, dont raffolait la comtesse de Ségur, furent les premières friandises vendues dans les distributeurs automatiques du métro, en 1940. On les retrouve aujourd’hui aux quatre coins du globe, dans de petites boîtes ovales en fer, à l’effigie d’un berger et de sa belle.

    Depuis 1990, c’est la gourmande Catherine Troubat qui dirige l’entreprise de vingt salariés, rachetée par son grand-père, Jean, en 1923. Grâce à elle, Flavigny a été classé «site remarquable du goût» en 1992, au même titre que Guérande pour son sel. Une distinction qui ne fait pas tourner la tête des 340 habitants, pas plus que l’inscription de leur commune parmi les plus belles de France. Son maire, Dominique Bondivena, n’avait qu’une hantise : voir le village se figer en musée. Il a donc installé, en 2006, un système d’épuration écolo, qui filtre les eaux usées grâce à des milliers de roseaux plantés au pied de la colline. Depuis, les cinquante moines de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval lavent leur robe de bure avec une lessive bio.

     

     


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