• C'est l'une des vues les plus étonnantes de Birmanie et c'est là que nous commençons notre découverte. Aux alentours d’Amarapura au nord du pays, le pont d’U Bein est mon point de chute en cette fin de journée. C’est un site incroyable. En 1860, le roi Mindon décida de construire une nouvelle capitale : Mandalay. Il a littéralement déplacé son palais, brique par brique, à dos d'éléphants. Beaucoup de belles colonnes en teck faisaient partie de l'ancien palais mais n'avaient pas sa place dans la nouvelle conception. Avec ces rebuts, le maire d’Amarapura construisit un pont de 1200 mètres enjambant un lac. Au coucher du soleil, les étudiants et les moines viennent échanger les nouvelles du monde et exercer leur anglais avec les touristes.

    Arrivé à Rangoun, l'ancienne capitale de la Birmanie, je me rends dans le quartier chinois. La nuit c’est le marché à profusion, les gens s’y rendent pour quelques emplettes, bien sûr, mais aussi pour passer un moment ensemble, dîner, boire quelques bières ou parader sur la grande route. C’est ici que s’agglutine la population qui profite de l’éclairage de fortune, et de l’ambiance moins austère des routes périphériques et que se tisse une partie du tissu économique local. Les jeunes moines font la quête, les restaurateurs cherchent quelques touristes, les maraîchers et les Chinois revendent leurs spécialités.

     Toujours à Rangoun, à un coin de rue, je demande à un homme de le prendre en photo. Il me sourit. Aussitôt je me suis fait surprendre par une bouche rouge sang, un liquide épais cachant ses dents. Pendant une demi-seconde, je m'interroge : il saigne ? En réalité, je découvre la spécialité incontournable du pays : le bétel. Ce mélange de noix d’arec et de chaux rouge donne des sourires un peu inquiétants aux habitants du pays au premier abord. Les dents n'apprécient pas, mais c'est l'équivalent du chewing-gum. Il faut s'y habituer : les crachats pleuvent souvent dans cette ville.

    Je m’autorise un moment de plaisir dans un restaurant de Rangoun pour goûter les légumes de la campagne des alentours. J’avais jusque-là essayé des spécialités de plusieurs Etats du nord de la Birmanie que la famille de May Dar Wee, un ami rencontré sur place, m’avait fait goûter. Nouilles, haricots en sauce, spécialités au lait, et surtout du thé ! La cuisine birmane reste une de mes préférées : les produits sont simples, frais, savoureux et les épices subtiles. De bons souvenirs gustatifs...

     

    Après un long périple en train à travers le pays, je suis arrivé à Bagan. Je laisse sur la route de nombreuses anecdotes et quelques degrés en moins. Je porte un longhi, un pantalon traditionnel, et une écharpe autour de la tête pour me protéger du froid matinal. Par dessus, j'ai enfilé une veste de cuir, comme beaucoup de Birmans du nord, afin de me prémunir du froid le matin et en soirée. De là, je saute à l’arrière d’un taxi pick-up avec des locaux, après avoir payé. Sur la route menant au site archéologique de Bagan, les visiteurs sont soumis à un droit d'entrée sur de 10 dollars. Je n'avais pas payé ce droit là. Le conducteur a dû faire demi-tour pour me ramener... Fatigué par le transport en train dans des conditions assez rudimentaires, je pose le pied dans ma "guest house", et file au premier salon de thé du coin. Je rencontre le propriétaire, un Birman généreux et ouvert d’esprit. Le jour se lève, les clients boivent le thé, leurs silhouettes se détachent de l'horizon...

    A la lisière entre New Bagan (la nouvelle ville) et Old Bagan (le site historique), là où quelques rénovations et/ou constructions en matériaux modernes éclosent lentement, on peut saisir des paysages intemporels sous des arbres centenaires. C’est ici que la magie des lieux opère. Des hauts-parleurs propagent les chants en sanskrit des moines bouddhistes qui vivent ici. Nous sommes bercés, entre ferveur et harmonie.

    Alors que l’on se rendait sur le toit d’une pagode pour admirer le coucher de soleil avec mon ami Soe Ly, un pêcheur Birman devenu un ami, nous sommes tombés sur cet homme. Assis devant l’entrée d’un temple, près de Bagan, il m’est tout de suite apparu comme un personnage, baluchon à la main. Il fallait que je l’immortalise, même si sa charrette me gênait (d’ou le cadrage serré). Cigare en bouche, regard profond, peau marquée, vêtements et pantalon typique (longhi), il incarne une époque et certainement une manière de penser. C’est peut-être un homme qui essaie de tirer profit de ce qu’il découvre : le tourisme. Au moment où je m'en rends compte, il semble se détourner. Soe ly le rassure, mais l’homme demande un peu de monnaie. D'habitude, je ne paie jamais pour un portrait. Voici l'une des rares exceptions.

    En sortant d’un temple à la lisère entre Nyaung-U et Bagan, j’aperçois deux jeunes moines se hâter en direction d’une échoppe de bétel et se préparer les noix d’arec. Mais je n’aperçois pas la vendeuse. Et puisque le vol n’existe pratiquement pas dans leur culture, surtout pour un religieux, (je sais qu’ils n’achètent pas de denrées alimentaires, ils font confiance en la providence tous les matins) je suis curieux de l’opération qui va suivre. Sûrement pressés, entre deux séances de prières, ils jettent des sourires complices à mon appareil photo.

    Je décide de visiter le nord du pays avec un touriste allemand avec lequel j'ai sympathisé. Nous voulons rencontrer ces mystérieuses femmes au long cou qui peuplent cette région. Je suis passé à l'hôtel chercher mon camarade, avant d’attendre le chauffeur de pirogue avec qui j’avais pris rendez-vous la veille. Sur la berge nous croisons cette famille qui se réchauffe au coin du feu. J’ai pris cette photo sur le vif. J'ai trouvé après coup qu’elle avait une force de composition.

    Sur les bords du Lac Inle, les femmes continuent de travailler sur des métiers à tisser en bambou. La facilité de leurs gestes et leur grâce m'a impressionné. Je prévoyais d'aller à la rencontre des tribus du nord et des autres femmes à long cou. Je voulais visiter leurs villages, leurs cultures, toucher les tissus... Elles m’ont répondu qu’aucun touriste n’était autorisé à entrer dans leur village. Mais ce n'est pas un échec : j'ai déjà rencontré ces femmes aux yeux en amande sur leurs métiers à tisser...

    J’ai traversé le lac d’Inle à deux reprises. La première fois, je n'ai quasiment pas vu de pêcheurs traditionnels. La deuxième fois, j'ai été plus chanceux : j’ai observé cet homme, manoeuvrant sa barque. Les Birmans vivent vraiment en harmonie avec leurs terres, même s’ils connaissent des problèmes écologiques, économiques, politiques... Voir les pêcheurs parader, sur leurs embarcations, un pied dans le bateau, l’autre enroulé sur une rame en appui sur le fond, une main jetant leurs filets et l’autre se saisissant d’un bâton.


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